AXE 3 • Les individus au coeur de la relation formation-emploi-travail

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Quand les parcours de formation et d’emploi ne sont pas linéaires

Les données d’enquêtes permettent d’aller finement dans l’analyse de la relation formation-emploi-travail et d’en saisir les dynamiques. Les travaux récents et à venir reposant sur les résultats des enquêtes Génération, d’enquêtes ad hoc auprès des entreprises et sur des entretiens qualitatifs s’attachent à comprendre les bifurcations et ruptures dans les parcours, qu’il s’agisse des parcours scolaires ou ceux sur le marché du travail.

Des parcours scolaires « non traditionnels », un avantage en termes d’insertion ?

Un jeune sur six a fait une pause pendant ses études dans le cadre du dispositif officiel de césure ou pas, pour apprendre une langue, faire de bénévolat… mais avant tout pour des motifs de travail. C’est ce que montre l’étude finalisée cette année à partir des données de Génération 2017. Bien que les parcours linéaires restent majoritaires, ces interruptions ont tendance à augmenter ces dernières années, et ce, bien que leurs effets sur l’insertion ne soient pas évidents. Le marché du travail français reste attaché à la linéarité des parcours, posant la question de la valorisation de ces interruptions. Pour autant, la reconnaissance des compétences acquises lors d’un séjour à l’étranger est en revanche plus fréquente. C’est ce que confirme une autre exploitation de l’enquête Génération 2017 soulignant qu’une majorité des diplômés du supérieur tirent profit de leur séjour à l’étranger, que ce soit en matière de recrutement ou de salaire.

Étudier la non-linéarité des parcours, c’est aussi s’intéresser aux jeunes qui, après avoir arrêté leurs études, décident de les reprendre. Dans la continuité des travaux engagés depuis de nombreuses années, plusieurs travaux en cours s’efforceront de mieux caractériser le profil de ces jeunes, de ce qui les différencie de ceux en formation initiale et d’identifier les effets de cette démarche en termes d’obtention de nouveaux diplômes.

Étudier la non-linéarité des parcours de formation, c’est enfin poser la question des processus de construction des parcours eux-mêmes. Dans le cadre de sa participation au programme Avenir(s) déployé par l’Onisep, le Céreq a créé plusieurs modules dans l’enquête Génération 2021 pour éclairer les conditions de l’orientation des jeunes à différents paliers de formation : à l’issue de la 3e, du bac et de la licence. L’analyse croisée de ces informations, des parcours de formation et des parcours d’emploi devrait permettre de mieux appréhender la question de la non-linéarité et ses conséquences en matière d’insertion.

Des changements professionnels importants, dès les premières années sur le marché du travail

Du côté du marché du travail, une étude finalisée cette année à partir de la réinterrogation de la Génération 2017 six ans plus tard met en avant des phénomènes de réorientations précoces. Près d’un quart des jeunes ayant terminé leurs études en 2017 ont engagé des démarches de réorientation professionnelle entre 2020 et 2023. Les raisons évoquées sont — par ordre d’importance — l’attirance pour un autre domaine, la volonté de donner davantage de sens à son travail, de mieux concilier vies professionnelle et personnelle, d’améliorer ses conditions de travail et/ou de rémunération. Ces réorientations concernent assurément les jeunes en difficulté d’insertion. Mais la non-adéquation de l’emploi avec la formation ou l’absence d’épanouissement professionnel sont également des facteurs de changement. Et lorsque ces jeunes ont concrétisé leur réorientation, tous considèrent se réaliser professionnellement. La question de leur accompagnement tout au long de ce processus est également analysée.

D’autre part, une analyse des six premières années de vie active des jeunes sortis de formation en 2017, met en lumière un phénomène en nette hausse : les démissions des salariés en CDI. L’étude cherchera à mieux caractériser ce phénomène — qui quitte un CDI, après quel parcours et pour faire quoi ? — pour cette Génération marquée par la crise sanitaire.

Parcours des salariés et pratiques des entreprises, vers une co‑construction ?

La non-linéarité des parcours renvoie aussi aux pratiques de gestion des entreprises et aux dispositifs publics existants. L’étude conduite en partenariat avec la Caisse des dépôts a mis en évidence les différents usages du dispositif de dotation volontaire au CPF. Mêlant à la fois entretiens et données statistiques, la démarche a également confronté les points de vue des dirigeants, des salariés et des représentants du personnel. Le dispositif de dotation volontaire qui existe depuis 2020 s’avère peu mobilisé. Lorsqu’il l’est, c’est selon des logiques variées : pour pallier un budget formation contraint ; en réponse à des demandes ponctuelles de salariés ; dans une politique de formation structurée et construite collectivement ; dans des usages informels et en contexte contraint.

Dans le prolongement, un module dédié à la Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) a été élaboré pour l’édition 2024 de l’enquête EFE. Pratiques de recrutement, besoins en compétences, évolutions de la main-d’œuvre, innovations, dispositifs de formation et autres modalités de développement des compétences ; les résultats permettront de créer un panorama des pratiques de gestion prévisionnelle dans les entreprises. L’exploitation de ce module évaluera aussi le rôle de la co-construction dans les parcours et bifurcations des salariés.